Puisque que Adrien HOFFER a fait un joli article pour eBlueRide dĂ©but 2024, je pense qu'il est interessant de l'immortaliser ici, puisqu'il synthĂ©tise bien mon parcours et mes ambitions 

LEVY BATISTA EN PERPÉTUELLE PROGRESSION

Avant d’en venir au VTT, c’est en motocross que Levy Batista s’est tout d’abord illustré en débutant dans cette discipline dès son plus jeune âge. Des championnats régionaux, il a évolué en compétition en passant par le Minivert (championnats de France pour les jeunes jusqu’à la catégorie Minimes), avant de continuer les courses dans les catégories supérieures. Son identité a véritablement été forgée par le motocross, une discipline encore très ancrée en lui, même s’il ne la pratique plus aujourd’hui. Son histoire au guidon d’un deux roues est riche, et s’il serait facile de vendre le titre de champion de France en National MX1 remporté en 2014, c’est des compétitions internationales dont Levy préfère parler. Supercross de Genève, Grands Prix en MX1 et MX3, championnats d’Europe en MX2… Le pilote préférait aller se confronter aux meilleurs plutôt que de cibler des titres plus abordables, quitte à être moins sur le devant de la scène.

En VTTAE, le pilote a cette année remporté le général de la coupe de France Enduro, mais à l’image de son passé en moto, il nous explique que ce n’est pas ce dont il est le plus fier. Ce que l’on ressent comme important, c’est la progression, c’est d’aller se mesurer aux meilleurs, et d’atteindre de nouveaux objectifs chaque année.

Avec un si grand passĂ© en MX, comment en es-tu venu au VTT ?

En 2015, je commençais Ă  prĂ©parer un doctorat en traitement de signal, et cela faisait deux ans que je me sentais plafonner en moto. La raison, c’est que je ne roulais pas suffisamment par rapport Ă  mes concurrents. J’arrivais Ă  bien me battre contre des professionnels, mais finissais par flancher par manque de roulage. Je ne voyais pas comment progresser plus si je ne faisais pas plus de moto, hors je ne pouvais pas faire plus. Quand tu arrives au top de ce que tu sais faire, soit tu te fixes des objectifs moins hauts ou Ă©quivalents Ă  ce que tu sais faire, soit c’est une opportunitĂ© pour aller dĂ©couvrir de nouvelles choses, et c’est la direction que j’ai prĂ©fĂ©rĂ© prendre. J’aime vraiment l’aspect progression, et ça me dĂ©range de ne pas avoir d’objectifs plus hauts que l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. L’idĂ©e est venue de faire carrière dans un autre sport, mais quand je me suis posĂ© la question, il n’y avait pas de sport ciblĂ© : « profitons que je veuille me fixer des objectifs pour dĂ©couvrir un autre sport Â». J’ai assez vite orientĂ© vers le vĂ©lo car j’aime l’aspect pilotage et l’aspect physique que je retrouvais en moto. Ça aurait pu ĂŞtre le BMX, la DH... Le BMX a Ă©tĂ© mis de cĂ´tĂ© car près de chez moi, il n’y a pas de piste. L’enduro je ne connaissais pas du tout, j’ai commencĂ© Ă  dĂ©couvrir la discipline, un ami m’a montrĂ© un peu ce que c’était et quand j’ai fait ça une fois je me suis dit « c’est trop bien Â». J’ai cherchĂ© un vĂ©lo d’occasion, et ça a commencĂ© comme ça fin 2015 avec dans l’idĂ©e de faire ma première saison en 2016. Je voulais rĂ©appliquer l’investissement que j’ai eu en motocross dans une nouvelle discipline.

J’ai aimĂ© tout de suite donc j’allais souvent m’entraĂ®ner. Le vĂ©lo m’a Ă©pargnĂ© aussi beaucoup de contraintes que j’avais avec la moto. Deux heures d’entrainement en moto, c’est deux heures d’entretien et de lavage ! Ça coute très cher, il faut trouver des terrains ouverts, et dans le Grand Est quand il pleut, en gĂ©nĂ©ral les terrains n’ouvrent pas car ça les dĂ©truit et ce n’est pas rentable. Quand je faisais de la moto, le reste de la semaine, je faisais de la course Ă  pied, de l’escalade et de la muscu. J’essayais d’avoir un volume important de sport malgrĂ© que je ne puisse pas m’entraĂ®ner. Avec le vĂ©lo j’ai vu l’opportunitĂ© de le prendre dans la voiture, de sortir du travail et d’aller m’entrainer sur des petits spots qu’on a près de la maison. Il n’y a pas de vidange ou de filtre Ă  changer […], ça a permis de me concentrer sur l’entrainement. 

Avant ça, tu n’avais jamais fait de vĂ©lo ?

J’ai eu une pĂ©riode vers mes 18 ans oĂą je faisais du BMX street. C’est Ă©loignĂ© de la race, mais ça m’a permis d’avoir une certaine aisance en vĂ©lo, surtout que je roulais sans frein ! Mais Ă  part ça, pas de vĂ©lo, juste pour la petite histoire, j’avais participĂ© Ă  un triathlon, je suis sorti de l’eau au milieu du groupe, en course Ă  pied j’ai fait le deuxième temps, et en vĂ©lo, je suis arrivĂ© dans les derniers !

Comment s’est passĂ© ta première saison en 2016 ?

J’ai fait les coupes de France (22ème au gĂ©nĂ©ral) et les courses rĂ©gionales dans le Grand Est avec le Cannondale Enduro Tour, devenu Bike Components Enduro Tour, Ă©galement la MĂ©gavalanche oĂą j’ai terminĂ© 16ème. Je trouve que c’est avec les courses que je progresse le mieux, lĂ  oĂą tu te donnes Ă  fond, oĂą tu vois vite tes limites, et j’aime en faire beaucoup. Dès qu’il y avait une course, je m’inscrivais. Je me suis passionnĂ© Ă  fond ! J’ai adorĂ© redevenir dĂ©butant, au dĂ©but je ne voyais pas la diffĂ©rence entre un vĂ©lo de descente et un enduro !!

Quel a Ă©tĂ© ton parcours scolaire et professionnel ? 

Après mon bac scientifique, je ne savais pas forcĂ©ment quoi faire mais j’étais attirĂ© par les mathĂ©matiques, l’informatique et l’électronique. Je me suis laissĂ© guidĂ© par les matières et j’ai fait un DUT gĂ©nie informatique / Ă©lectronique. Je ne voulais pas forcĂ©ment faire des Ă©tudes longues mais Ă  la fin de l’IUT, je ne me voyais pas aller travailler avec ce qu’on avait appris. J’ai dĂ©cidĂ© de faire une licence sciences pour l’ingĂ©nieur, puis un master ingĂ©nierie des systèmes complexes. J’ai apprĂ©ciĂ© tout ce qui Ă©tait mathĂ©matiques appliquĂ©es, traitement de signal, donc Ă  la fin du master, j’ai voulu creuser plus loin, et faire un doctorat que j’ai soutenu fin 2017. J’ai ensuite travaillĂ© pour la startup dans laquelle j’étais pendant mon doctorat, spĂ©cialisĂ©e dans la pharmacologie mais avec l’avènement des e-bikes, j’ai vu l’opportunitĂ© d’offrir mes services pour le monde du vĂ©lo. J’ai montĂ© ma sociĂ©tĂ© : Redbat (pour Recherche Et DĂ©veloppement BATista), et j’ai actuellement des contrats avec Urge et Brake Authority. J’ai aussi travaillĂ© pour Rockrider.

Peux-tu nous parler de la façon dont a Ă©voluĂ© ton partenariat avec Tribe Sport Group ?

Au départ, Tribe m’avait créé un support via un magasin. En 2018, j’ai terminé deuxième de la coupe de France donc je suis passé en direct avec eux pour la saison 2019. En 2020, une structure a été montée pour participer aux coupes du monde e-bike, et j’ai fait partie de cette équipe. C’est là que je me suis mis 100% à l’e-bike. La structure a ensuite fusionné avec le team Tribe Pyrénées Gravity, créé par Ludovic Henri et supporté par des marques qu’on retrouve chez Tribe, mais pas uniquement.

Tu es pointu sur les analyses, est-ce que tu fais des retours pour Rocky Mountain et si oui sont-ils pris en comptes ?

Je suis en contact direct avec Rocky Mountain. Je fais pas mal de retours et il y a des choses qui sont sur le vélo aujourd’hui qui proviennent de mes inputs, mais ce n’est pas tout le temps le cas. La relation est bonne, mais il y a un compromis entre ce que veut un compétiteur, et ce qui correspond plus au grand public.

Que retiens-tu de la saison 2023 ?

Il y a eu un peu de dĂ©ception, surtout en dĂ©but de saison car je me suis très bien prĂ©parĂ© et je suis arrivĂ© malade Ă  Finale Ligure (ndlr : première manche de la coupe du monde) et j’ai subi ! A Leogang je faisais une course correcte, puis j’ai crevé… Aussi, en dĂ©but de saison, le vĂ©lo Ă©tait le mĂŞme que l’annĂ©e dernière donc je pensais qu’il serait vite prĂŞt et au final, j’ai passĂ© beaucoup de temps Ă  faire des Ă©volutions. J’ai validĂ© le mulet mais me suis un peu perdu en milieu de saison, je suis repassĂ© d’une taille M Ă  une taille S, et tout ça m’a pris beaucoup de temps. Je suis quand mĂŞme montĂ© en puissance et prend encore plus plaisir sur le vĂ©lo aujourd’hui. J’ai senti la progression et suis quand mĂŞme satisfait.

Tu as participé à toutes les manches de coupe de France et d’E-EDR. On sait que l’entrainement à haut niveau prend de temps et tu es aussi bien occupé professionnellement… Comment gères-tu ces deux rôles ?

C’est un subtil équilibre, je suis aussi père d’une fille de 3 ans et c’est compliqué de tout concilier ! Mais tout s’entrecoupe, si demain je dois aller faire des tests pour Brake Authority, je suis quand même sur le vélo. J’essaie de tout condenser un maximum, tout n’est pas parfait mais j’ai tout mis en place dans ma vie pour que ce soit possible, parce que j’ai envie de faire les deux et que j’ai toujours fonctionné comme ça.

Des EWS Ă  l’E-EDR UCI : as-tu notĂ© des changements, comment s’est passĂ© la transition Ă  tes yeux ?

Avant, on avait des parcours dédiés à la discipline, avec 3 batteries, et il y avait parfois des spéciales communes avec les musculaires. Maintenant on est passé sur 2 batteries à vider et c’est le même parcours que les musculaires avec les powerstages en plus, et éventuellement une spéciale de plus. Il y a moins de volume qu’avant, ce qui fait que le niveau d’intensité est devenu maximal dans les spéciales. On a un peu perdu au change mais ça reste une belle discipline qui gagne de nouveaux riders venant du musculaire. Ça se densifie et devient intéressant ! Comparé au musculaire, le cœur de la discipline reste le même, mais on en fait plus, en contractant les liaisons, c’est top !

Te souviens-tu de la première fois où tu es monté sur un VTTAE? Qu'est-ce que tu en as pensé?

En 2018, j’avais dĂ©jĂ  un e-bike. Ma femme aimait bien descendre en bikepark, mais n’aimait pas monter. Ça m’a donnĂ© une raison d’acheter un ebike pour qu’elle puisse m’accompagner, et les jours oĂą elle ne roulait pas, je pouvais monter dessus. Ca me permettait en sortant du travail d’aller rouler une heure et de m’entrainer qualitativement. En VTT, tu passes 80% de temps Ă  monter et 20% Ă  descendre, ça ne fait pas beaucoup quand tu as peu de temps pour rouler. L’e-bike, ça a Ă©tĂ© une dĂ©livrance qui m’a au dĂ©but permis de faire beaucoup de volume et de progresser encore plus !

Est-ce que ton passĂ© en MX t’as aidĂ© en vĂ©lo, si oui Ă  quels niveaux ?

Quand j’ai commencĂ© l’enduro, le fait d’avoir un bon niveau en moto, ça m’a permis d’aller vite très rapidement. A partir du moment oĂą ce n’était pas trop technique, j’avais une bonne vitesse, je savais bien sauter. Par contre, je tombais souvent : Ă  un moment il a fallu apprendre Ă  faire un virage en mode vĂ©lo ! Aussi, je m’épuisais Ă©normĂ©ment, car j’arrivais fort, freinais fort. En termes de flow, il a fallu tout apprendre. Apprendre Ă©galement Ă  rouler avec des pĂ©dales automatiques…

Au niveau des relations, ce sont des disciplines où il y a des vases communicants et des amis faisaient déjà de l’enduro, dont un qui avait une petite structure et qui m’a aidé dans son team. J’avais déjà une petite renommée. Le jour où j’ai contacté Tribe Sport Group, je pense que Fred Glo qui vient aussi de la moto a été sensible à ça.

Qu’est-ce que l’ingénierie, le côté scientifique, t’apporte dans le vélo?

Il y a tout cet aspect un peu carrĂ© qui me caractĂ©rise pas mal. La comprĂ©hension… Comprendre comment marche un vĂ©lo et faire le lien avec mes sensations, ça me donne des directions pendant mes tests. J’aimerais dire que ça me fait gagner du temps, mais c’est tout le contraire ! Je raisonne très peu en termes de convictions, comme pour le combat 29 vs mulet. Des pilotes sont fous du mulet et disent c’est mieux, d’autres c’est le 29, et moi, j’ai fait beaucoup beaucoup de tests… La conclusion, quand tu corriges bien la gĂ©omĂ©trie, c’est que la diffĂ©rence n’est pas incroyable, tu gagnes Ă  endroit mais tu perds Ă  l’autre, et Ă  la fin, il faut faire un choix de compromis. Tu sais que tu perds quelque part, et au final, par rapport Ă  quelqu’un qui a des convictions, tu n’es pas aussi en confiance, car tu as conscience des nuances. Quand j’ai fait le tour de la question et que la dĂ©cision est prise, j’arrive quand mĂŞme Ă  prendre confiance, car c’est mon meilleur compromis.

Est-ce que tu sens que tu continues de progresser ?

Oui, encore cette année je me suis senti progresser. Déjà parce que je travaille depuis 2019 avec Claire Hassenfratz de Physiobike. Chaque année, je construis sur ce que l’on a fait l’année précédente, et je vais plus loin en termes de musculation, de PMA, … On progresse encore, et ça se ressent quand je roule, je me sens plus solide, peu limité par le physique, et ça me permet d’aller plus vite.

Quels sont tes objectifs pour la saison Ă  venir ?

Côté team, on va encore être mieux niveau matériel et support pour cette saison. Je vais donc continuer à bâtir sur ce qu’on a fait l’année dernière, essayer de performer. Sur les coupes du monde, il y a un petit groupe devant moi entre la 5ème et la 10ème place, très fort, où c’est très serré. Si j’arrivais à le rejoindre, ou être juste devant, je serais vraiment satisfait.

Tu roules sur un Rocky Mountain, qui n’est pas des plus communs. Est-ce que c’est quelque chose dont tu es fier ?

C’est facile d’être fier, car le vélo est super. Rocky Mountain s’en sort très bien en développant leur propre moteur. La réactivité du vélo est incroyable et j’aime beaucoup le fait que ce soit une solution différente du reste, avec un boitier de pédalier indépendant du moteur. C’est vraiment un vélo que j’associe à l’enduro et à la compétition.

Aujourd’hui, comment les VTTAEs pourraient-ils progresser selon toi ?

Sur la géométrie, la répartition des charges. Aujourd’hui ce que je trouve dommage, c’est qu’on cherche vraiment à camoufler le moteur et la batterie, alors que d’un point de vue répartition des charges, on pourrait surement faire mieux que ça. Quand on a cette longue batterie de 720Wh qui vient jusqu’à la direction de direction et qui met un gros poids dessus, c’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux à faire. Ensuite, par rapport à ce que je vois, il y a encore des problèmes chez d’autres marques quand tu pousses le vélo à fond, de fiabilité, de chauffe thermique. Chez Rocky Mountain on consommait un peu plus, mais la nouvelle version du vélo consomme beaucoup moins.

Quel est ton meilleur souvenir en relation avec le vĂ©lo ?

L’annĂ©e 2018 ! C’était ma première saison avec un Rocky Mountain (ndlr : en musculaire) et je suis montĂ© en puissance en faisant des tops 50 en EWS. J’ai terminĂ© 2ème au gĂ©nĂ©ral de la coupe de France alors que deux ans et demi avant, je ne connaissais rien au vĂ©lo ! En coupe de France les plaques rouges me faisaient rĂŞver (top 20), et lĂ  j’avais la plaque 2 !

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Fiche identitĂ© :

Date de naissance : 15/10/1990
Taille : 167cm
Poids : 67kg
Lieu de rĂ©sidence : Custines (54)
VĂ©los actuels : RM Altitude, RM Altitude Powerplay, un dirt Commencal, un Cannondale de route, et un trial Koxx.
Ce que tu aimes en dehors du vĂ©lo : l’escalade avec du bloc en salle quand je peux, la course Ă  pied, le reste tourne autour du vĂ©lo et de la moto.
QualitĂ© : la discipline
DĂ©faut : je suis parfois trop dans la rĂ©flexion
Dans une autre vie, tu serais qui, tu ferais quoi ? Franchement je ferais la mĂŞme chose !

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Propos recueillis par Adrien HOFFER
CrĂ©dits photos :
Marie Batista – BAT-COM, Anne Goetzmann, Justine Gute